Joncs-1/insectes et bestioles


Voilà ce qui m’a amené sur les coteaux de l’Hermitage…

En 2015, le domaine Jean-Louis Chave m’avait invité à suivre la vie du vignoble au gré des saisons. Dans ces vignes à flancs de collines qui longent le Rhône, le terrain est naturellement escarpé. Pour éviter les chutes, on y marche avec précaution, regardant à chaque pas où se posent nos pieds. 

C’est là que je les ai aperçus. Fragiles, silencieux, oubliés à même le sol. Des liens de vigne faits main, et de jonc, véritables marques de propriété de la maison Chave, où cette tradition se perpétue depuis 1481. Des brins rituellement noués, qui relient la vigne à l’échalas et la guident durant sa croissance vers la lumière. A la fin des vendanges, ces ligatures n’ont plus d’utilité. Elles retournent à la terre, s’assèchent, prennent des allures étranges. Des formes façonnées par la main de l’homme qui n’ont plus rien de naturel, ouvrant ainsi le champ du surnaturel.

Immédiatement ces attaches végétales quelque peu identiques et pourtant uniques m’ont intrigué. J’en ramassai plusieurs sans bien savoir ce que j’allais en faire. Durant quelques jours j’ai pris le temps de les observer. De les apprivoiser. Etaient ce des insectes, des personnages, des êtres figés dans une chorégraphie muette ? Alors est venue l’idée de leur redonner vie.

En studio, je me suis armé de patience et de petites aiguilles pour faire tenir, tel un équilibriste, ces liens sur pied. Passant de l’horizontalité à la verticalité. Debout, coupées de leur contexte minéral, ces formes à l’abandon se sont muées en petites sculptures majestueuses. J’y ai perçu également quelques lettres majuscules, telles un alphabet qui s’invente au plus près de la nature. Un alphabet qui tient en 26 figures, mais s’affranchit des conventions pour laisser libre court à l’imagination. Un herbier insolite du cœur des vignes, qui écrit le lien universel entre l’homme et la nature.